Littérature : Durian Sukegawa nous offre une fois de plus un roman empli de poésie et de tendresse. Après son oeuvre Les Délices de Tokyo paru en 2016 en France, l’écrivain japonais revient un an plus tard avec Le rêve de Ryôsuke.

C’est désormais indéniable, Durian Sukegawa a un don pour nous raconter des histoires dramatiques. Son personnage principal, Ryôsuke, est rongé par le suicide de son père et par sa propre tentative de suicide. Il embarque alors pour l’île d’Aburi, accompagné de deux nouveaux camarades, et décidera de prolonger son séjour afin de réaliser le rêve de son défunt père : créer du fromage de chèvre. Dans cet endroit reculé du monde, le jeune Ryôsuke tente désespérément de trouver l’envie de vivre, mais aussi un sens à la vie. Un roman sur la quête de soi et une ode à la nature.
Le suicide au Japon : un sujet tabou
Il est inhabituel de retrouver le thème du suicide dans un roman japonais, c’est une initiative innovatrice : en somme, une très belle surprise.Tout au long de cette oeuvre, les thèmes de la mort et du suicide sont omniprésents, ce qui contraste avec le cadre presque paradisiaque de l’île où Ryôsuke accoste. La notion de suicide représente un véritable tabou dans la société japonaise. La culture du harakiri est une pratique suicidaire connue du monde entier, certains artistes y verraient presque une expérience esthétique dans la culture du suicide d’honneur. La notion de suicide dont il est question ici est toute autre ; Durian Sukegawa aborde le sujet sous un angle réaliste et social, et évoque le déshonneur qu’un suicide provoque chez une famille japonaise. L’auteur offre une description réaliste et sans détour de la vie de Ryôsuke . Cependant, Ryôsuke l’affirme : il a perdu son envie de vivre et cherche à tout prix un moyen de se raccrocher à l’existence. L’écrivain nous permet alors de nous questionner sur la société japonaise et la culture du suicide : serait-ce ancrée dans l’Histoire de ce pays ? En plus de cela, il décrit une jeunesse dénuée d’objectifs et d’ambitions. Ryôsuke poursuit un rêve qui n’est pas fondamentalement le sien, non seulement pour se retrouver mais aussi pour tenter de se rapprocher de son père.
Un retour aux sources
Comme l’observait le géographe Augustin Berque, lors d’une interview pour le journal Libération en 2001 « La culture japonaise fait de la nature la source de l’ordre social » et Le rêve de Ryôsuke en est la preuve. Durian Sukegawa propose deux visions différentes de la protection de la nature, d’une part l’aspect révolutionnaire et moderne de Ryôsuke et de l’autre les traditions des habitants de l’île. Tout au long du parcours de Ryôsuke, le narrateur s’efforcera de faire une fabuleuse description de la nature sauvage et bouleversante qui entoure les protagonistes. Les conflits entre les jeunes protagonistes et les anciens habitants de l’île tournent autour des traditions mais surtout autour du respect de leur nature. C’est d’ailleurs parmi la flore et les chèvres sauvages que Ryôsuke serait en mesure de prétendre à une paix intérieure. Le cadre naturel où se déroule l’histoire est comme une accalmie dans ce scénario tragique et tumultueux. Même si beaucoup de lecteurs et de libraires ont pu émettre certaines critiques, évoquant une froideur dans l’écriture du roman, l’hymne à un retour aux sources que propose Le rêve de Ryôsuke est un véritable enchantement poétique.
J'aime beaucoup ta manière d'écrire, simple, mais proposant une réelle réflexion sur l'oeuvre dont tu parles.
De plus, tu donnes envie de lire l'ouvrage, ce qui est le point principal d'une critique !