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Le Parfum Vert

  • Photo du rédacteur: Manon François
    Manon François
  • 5 mars 2023
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 30 nov. 2023

Le nouveau film de Nicolas Pariser, sorti en décembre 2022, était depuis longtemps grandement attendu par les critiques. Beaucoup se disent déçus de la tournure que l'oeuvre a pu prendre et de la simplicité du scénario, certainement trompés par un synopsis et une affiche digne d'une oeuvre hitchcokienne. C'est surtout le succès précédent du réalisateur - Alice et le Maire (2019) - qui entache cette comédie policière. Retour sur un long-métrage mal-aimé.


Martin, un acteur de la Comédie Française (interprété par Vincent Lacoste) assiste au décès d'un de ses collègues durant une représentation - fine référence à la disparition foudroyante de Molière, pratiquement agonisant sur les planches ainsi qu'au film d'Alfred Hitchcock L'Homme qui en savait trop. Celui-ci lui confie ces simples mots "Il m'ont tué...le Parfum vert". Après des péripéties et des quiproquos à la hauteur d'un film de Molinaro, Martin rencontre Claire (Sandrine Kiberlain), une dessinatrice rocambolesque plus ou moins "ratée" selon ses dires, qui décide de le suivre dans son aventure à la fois dangereuse et absurde. Tous les deux se jettent à corps perdu dans une enquête qui les dépassent, en permanence entourés de potentiels ennemis.


Un duo éclatant


Contrairement à ce que l'on pourrait présager, Le Parfum vert offre la possibilité d'un divertissement subtil sans tomber dans une forme d'intellectualisation du genre. Du début à la fin, le duo Kiberlain-Lacoste ravit le spectateur. C'est d'ailleurs sur leurs personnalités antinomiques que repose véritablement l'aspect comique ; face à une femme qui ne supporte plus sa mère, au comportement impulsif, fantaisiste et à l'humour cinglant, le jeune comédien flegmatique se retrouve bousculé et mis à l'épreuve par sa partenaire. Par ailleurs, Pariser marque un point en créant ce binôme que l'on retrouve principalement dans les bandes-dessinées d'Hergé ; le rythme endiablé du commencement ainsi que les rebondissements abracadabrantesques paraissent singer les aventures de Tintin et du Capitaine Haddock. Seulement cette fois, c'est en Belgique où l'aventure mène nos deux héros. Le saugrenu d'Hergé semble l'emporter sur le caractère angoissant des oeuvres d'Hitchcock, pour le plaisir de tous.


Alors pourquoi a-t-on voulu comparer Le Parfum Vert au cinéma d'Hitchcock ?


Si l'association de ce long-métrage aux bandes-dessinées d'Hergé semble parfois évidente, certains critiques ne voient en rien une quelconque similitude avec la signature d'Hitchcock. Même si la ressemblance n'est pas particulièrement frappante, le réalisateur ainsi que la monteuse Christel Dewynter (elle-même nominée au César en 2015, pour son travail sur le film Hippocrate) jouent sur des perspectives ainsi que des jeux de lumière très appréciés par le roi du suspens. Les éléments les plus flagrants entre l'oeuvre hitchcockienne et ce long-métrage sont tout d'abord la focalisation sur les yeux des personnages ; Dewynter parvient à se focaliser sur le regard hagard de Martin ou des celui des ennemis fascistes lors de leurs méfaits. De plus, il existe une certaine fascination pour la représentation théâtrale voire le voyeurisme qu'elle permet d'engendrer. A la manière de Fenêtre sur Cour, Pariser crée cette double énonciation, plongeant ainsi ses personnages et les spectateurs dans une attente angoissée. Enfin, la notion de chute libre est également brièvement maniée dans Le Parfum Vert, comme nous pourrions la retrouver dans La Mort aux trousses par exemple.













Dans un contexte historique marqué par la Shoah


Soixante-dix-sept ans après la fin de l'Holocauste, Pariser dépeint son histoire dans une Europe toujours troublée voire imprégnée de cet évènement historique que plus personne ne pourra oublier. Tous les deux juifs, Martin et Claire se retrouvent face à ces ennemis latents, qui semblent avoir fait leur grand retour en Europe, même s'il semble qu'ils ne nous aient jamais quittés ; la montée du radicalisme et de l'antisémitisme est bien évidemment le thème sous-jacent choisi par le réalisateur. Au delà d'une comédie policière divertissante et bien menée, l'intérêt paraît également résider sur cette réalité qui se déroule même en dehors de la salle de cinéma. Au courant de l'automne 2022, un rapport statistique provenant de la collaboration entre le Ministère de l'Intérieur et du SPCJ (Service de Protection de la Communauté Juive) a été publié concernant les chiffres de cette année : en tout, environ 436 actes antisémites contre 339 en 2020. De plus, l'Europe connaît une certaine montée de la radicalité politique, en particulier dans les pays tels que l'Italie ou encore la France avec un taux de vote très élevé aux présidentielles 2022 pour le Rassemblement National. Cet aparté étant fait, il est alors impossible de ne pas noter cette volonté de la part de Nicolas Pariser d'alerter sur ces évènements.

En usant d'un antagoniste et de péripéties caricaturales, Le Parfum Vert dévoile par sa trame narrative ses intentions politiques et sociétales.


Le Parfum Vert est un long-métrage qui semble être déprécié par la critique, jugé trop simpliste par Télérama notamment ; en nous plongeant dans l'univers du cinéma ainsi que celui du dessin, il est aisé de comprendre un message légèrement plus profond que ce qu'il n'y paraît. L'inspiration provenant des oeuvres d'Hitchcock reste tout de même notable, bien qu'elle reste allègre ; la référence à celle d'Hergé quant à elle, réside dans les lieux dans lesquels l'histoire se déroule (la Belgique bien sûr ) ainsi que de nombreux clins d'oeil en rapport au monde de la bande-dessinée et des thèmes récurrents que l'on peut retrouver dans son Oeuvre (réification d'un concept politique et idéologique notamment). Il paraît nécessaire cependant de nuancer les messages renvoyés par l'oeuvre de Nicolas Pariser. Un positionnement humain et politique en effet, mais pas nécessairement un film engagé pour autant. En somme, une comédie policière divertissante qui nous donne de quoi réfléchir !


Sources :


- Image 1 et 2 : Affiche du Parfum Vert, par Diaphana Distribution ; Photographie tirée du film, partagée par Diaphana Distribution


- Communiqué du SPCJ : les chiffres de l'antisémitisme en France en 2022, https://www.spcj.org/les-chiffres-de-l-antis%C3%A9mitisme-2022-a







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